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lundi 17 juin 2013

Le vrai prix des avions d'Airbus et de Boeing

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Le vrai prix des avions d'Airbus et de Boeing

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EXCLUSIF Combien rapporteront aux deux géants de l'aéronautique les gros contrats qui seront dévoilés la semaine prochaine au Salon du Bourget ? Au prix catalogue, des fortunes; en réalité, beaucoup moins.


Tableau comparatif réalisé avec le concours des consultants d'Ascend Worldwide. (Infographie Challenges)
Tableau comparatif réalisé avec le concours des consultants d'Ascend Worldwide. (Infographie Challenges)
Comme d’habitude, il y aura des contrats à foison, des poignées de main chaleureuses, des flashs dans des salles bondées. Comme d’habitude, il y aura des sourires Ultra Brite, des communiqués triomphants d’Airbus et de Boeing sur des ventes de dizaines d’avions, pour un montant de plusieurs milliards de dollars... "au prix catalogue".
Le scénario est écrit d’avance: au grand barnum du Salon du Bourget (la 50e édition se déroule du 17 au 23 juin), les deux champions mondiaux gonfleront encore, avec force contrats géants, leurs énormes carnets de commandes –554 milliards de dollars pour l’Européen, 324 milliards pour l’Américain.
Personne ne paie le prix figurant dans le catalogue
Oui, vraiment, le film s’annonce parfait. A une nuance près: les chiffres communiqués ne valent pas un kopeck. "Jamais un client n’a acheté un avion au prix catalogue communiqué par les avionneurs", rigole Richard Aboulafia, vice-président du cabinet américain Teal Group. Un A 320 NEO à "100,2 millions de dollars" ? Poudre aux yeux. Le nouveau long-courrier 787 Dreamliner de Boeing à "206,8 millions" ? Légende savamment entretenue, tout comme le gros-porteur A 380 à "403,9 millions".
"Le prix catalogue, c’est un écran de fumée, reconnaît un ancien dirigeant d’Airbus. Il sert d’artifice de communication, pour aboutir à des montants de commandes énormes. Et comme les avionneurs l’augmentent chaque année, il permet une gesticulation commerciale pour mieux négocier avec les compagnies."
Les meilleurs négociateurs obtiennent 60% de rabais
Quels sont les vrais prix de marché ? C’est le secret le mieux gardé de l’industrie. Même le volubile Tony Fernandes, patron de la compagnie low cost malaisienne AirAsia (475 A 320 commandés), se rembrunit à l’évocation du sujet. "Confidentiel, je ne peux pas en parler." D’ailleurs, un ancien dirigeant d’EADS avoue: "Je n’ai jamais vraiment su les vrais discounts pratiqués." Les prix de marché estimés par le cabinet spécialisé Ascend pour Challenges (voir graphique ci-dessus) donnent une idée précise: la comparaison entre prix de marché et prix catalogue met en évidence des rabais qui frôlent ou dépassent les 50 % sur tous les types d’appareils. "Les grosses compagnies atteignent parfois 60% de remise, les plus petites commandes se contentent de 35-40 %", estime Scott Hamilton, consultant au cabinet américain Leeham.
A ce jeu de poker, chacun joue sa propre carte. "Les clients de lancement obtiennent de bons prix, car les premiers avions sont souvent plus lourds que prévu, souligne Les Weal, chef de la division de valorisation des appareils à Ascend. Les loueurs sont favorisés, car ils sont de gros clients ; les compagnies comme Singapore Airlines ou Cathay Pacific parce que leur seul nom donne une crédibilité à un programme."
Aux petits soins avec les low cost qui n'achètent qu'un modèle d'avion
Les meilleures conditions sont néanmoins réservées aux clients historiques: "Des compagnies comme American, Delta ou Southwest, du fait de leurs rapports anciens avec Boeing, disposent d’une “most-favoured-customer clause” qui leur garantit qu’aucun autre client n’aura de prix plus bas", pointe Scott Hamilton. Selon Wells Fargo, la low cost américaine Southwest, plus gros client du 737 de Boeing avec 577 appareils, a ainsi obtenu un prix unitaire de 34,7 millions de dollars pour sa commande de 150 737 MAX en décembre 2011. Soit un rabais de 64 %! Ryanair avait obtenu 53 % sur ses 737 en septembre 2001, et assure avoir obtenu au moins autant sur sa dernière commande de 175 appareils.
Airbus sait aussi faire des efforts pour ses clients les plus stratégiques. Un discret paragraphe du contentieux Airbus-Boeing devant l’OMC évoque un prix unitaire de 19,4 millions de dollars pour les 120 A 319 commandés en 2002 par easyJet, soit "une remise de 56% par rapport au prix catalogue" de l’époque (44 millions de dollars). Plusieurs sources interrogées par Challenges évoquent un rabais comparable pour la commande de 234 A320 signée par l’indonésien Lion Air le 18 mars à l’Elysée.
Le rabais dépend aussi du type d'appareil acheté
Dans son dernier rapport annuel, Air France évoque un A380 acheté "au prix de 149 millions d’euros", soit 195 millions de dollars, loin des 403,9 millions du prix catalogue actuel. Pour un client plus modeste, comme Doric Nimrod Air, qui loue à Emirates un A380, le prix est supérieur: 234 millions de dollars l’appareil, selon un communiqué financier d’octobre 2011, soit tout de même 38% de rabais.
L’effort financier de l’avionneur dépend de la situation concurrentielle de ses appareils. « Avec son 777-300ER, Boeing a longtemps été en monopole sur le segment des biréacteurs long-courriers à forte capacité, pointe Richard Aboulafia. Il a pu limiter ses remises, mais l’avantage s’estompe avec l’arrivée de l’A350-1 000 d’Airbus sur le segment." A l’inverse, les discounts sont massifs sur l’A320 classique et le 737 NG, auxquels les clients préfèrent les versions en développement (A320 NEO et 737 MAX), plus sobres en carburant de 15%, ce qui oblige les deux géants à casser les prix.
Quelle est la marge de manoeuvre des commerciaux?
Airbus et Boeing laisseraient-ils leur chemise dans leurs négociations avec les compagnies ? Voire. Les garde-fous existent chez les deux avionneurs : "Chaque contrat intègre un taux d’actualisation (escalation rate) annuel pour couvrir la hausse des coûts salariaux et des matières premières, explique un ancien cadre dirigeant d’Airbus. Dans les faits, l’augmentation du prix va au-delà de celle des coûts. » A Airbus, le prix final sur les grandes campagnes commerciales est validé par un comité rassemblant le PDG Fabrice Brégier, le directeur commercial John Leahy, le directeur des programmes Tom Williams et le directeur financier Harald Wilhelm. "En dernier ressort, c’est moi qui ai le final cut", expliquait en mars Brégier à Challenges (Lire à ce sujet son portrait)
La négociation va bien au-delà du seul prix de vente de l’appareil. "Le prix d’achat, pour une compagnie, ne représente que 15% du coût total de possession d’un avion sur vingt ans", rappelle un familier d’Airbus. Les discussions portent aussi sur la date du créneau de livraison, des ga-ranties sur la consommation de carburant des avions, des prestations de maintenance et de formation, et des aides au financement. Dans les coulisses du Salon du Bourget, le duel commercial entre Airbus et Boeing ne se résumera pas qu’à une guerre des prix.

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